Elle avait rendez-vous à la Vogue mais quand elle regardait son ventre trembloter comme de la gélatine et se rappelait avoir voulu en un temps fort fort lointain être gymnaste elle soupirait. Quelle garantie avait-elle de passer la soixantaine si elle continuait à s’empiffrer ainsi ? Allons chienne de vie, elle lui gardait certe « un chien de sa chienne » à la vie mais quelle meilleure façon de se venger contre les outrages du temps que de le rester ? En vie ?
Alors elle s’est dirigée vers la grande place, se guidant aux hurlements surexcités qui provenaient de la grande roue, qui tournait, paresseusement à cette distance, et semblait trembler dans l’air surchauffé de cette fin d’automne indien. Sous son pied une bogue craqua tandis qu’elle passait à l’ombre d’un imposant marronnier. Se penchant, elle prit délicatement la bogue verte entrouverte sur son fruit luisant qu’elle extirpa de son utérus végétal. Il était parfait ce petit marron tout juste né. Heureux présage se dit elle soudain ragaillardie et réajustant son croc top.
Les passants ne voyaient peut-être d’elle qu’une femme sur le retour d’âge jouant à être jeune mais elle, tous ses doutes effacés et cheminant vers les bruits de la fête, le poing amoureusement serré sur la parfaite beauté du fruit se sentait l’âme d’une guerriere conquérante.
A nous la fête, à nous la vie.