Dans la série des mots un texte : le magicien et le géant

La geste était périlleuse ; le magicien le savait qui ne pouvait se démettre  de la commettre quand même.

Le géant l’attendait au tournant et à s’y frotter de trop près  on risquait fort de s’y voir ôter la vie…

Pourtant toute la petite contrée comptait sur lui sachant le bonhomme valeureux et peu démuni en ressources magiques.
Ce géant prélevait chaque jour depuis sept  son tribut de jeunes filles alertes et jeunes hommes valeureux qu’il rôtissait au vu et au su de leurs pauvres parents. Non ça ne pouvait pas durer une telle impudence et un tel sentiment d’impunité.


Las,  notre magicien se trouvait face à un os et non des moindres. il tournait et retournait entre les diverses pièces agençant son mobilier ne sachant comment conclure  l’affaire sans danger.

Il fallait aller vite de surcroît, l’ogre possédant triple paire de jambes et yeux surnuméraire derrière le crâne.. il eut vite fait sinon d’être attrapé, oxi, rôti… Le magicien en prenait des sueurs froides.

Aller vite ou user de ruse… ? Comme lorsqu’il avait débarrassé la contrée des rats qui l’infestaient ?

La musique ! La musique dont il avait usé, à l »instar de ce conte que Circée sa douce daronne lui narrait enfançon.  Le joueur de flûte… Seulement si la flûte avait fonctionné pour les rats, il doutait fort que ce même stratagème soit efficace pour éloigner le géant.

Ou alors un autre genre de musique ? N’avait- il pas ouie dire, par l’un.e de ces voyageur-euses de passage qui séjournent parfois dans la contrée du milieu, que d’autres contrées plus septentrionales usaient d’une musique bien plus lourde et puissante que celle provoquée par les petits fifres et flutiaux de chez eux ?

L’idée fit son chemin, se doter de cette musique qui, aux dires des voyageurs, « fracassaient’ les oreilles nues de ceux qui n’avaient pas de « bouchons ».

Écouter la musique avec des « bouchons » … le magicien haussa les épaules, les moeurs de ces contrées l’étonneraient toujours, mais dans le cas présent, peut être que  ces barbares qui se prétendent toujours plus évolués auraient la solution à leur souci.

Il mit sa redingote et peigna sa longue barbe grise et bouclée qu’il noua soigneusement pour éviter de se prendre les pieds dedans et se mit en campagne, non sans avoir pris la précaution de faire descendre Eline, sa fille chérie, dans sa cave fortifiée.
« Braves gens cachez vos filles et vos gars je serai  vite de retour avec l’ infaillible solution » tranquilisa-t-il l’échevine éplorée. 

Les chevaux, par des chemins détournés, le conduisirent à la gare et le 13h39 à la ville septentrionale la plus proche.

Les odeurs, mélange de cannabis et d’égout, de la gare d’arrivée firent plisser son petit nez délicat. Il n’eut pas à se frayer le passage malgré la cohue qui régnait là car la foule s’écartait pour le mieux considérer. Il se sentit flatté de ce qu’il prit tout d’abord pour un hommage à son altière  personne mais déchanta rapidement  lorsque les commentaires « non mais quel Drole  de bonhomme…  zieutez moi ça, et cet habit et cette barbe… »  ricanements et rires, mêmes, se détachèrent du brouhaha pour venir lui percuter les ouïes.

Heureusement ces rires et paroles désagréables se trouvèrent bientôt éclipsés par un autre bruit, celui-là considérable et notre magicien se trouva fort reconnaissant envers le voyageur, par ailleurs vendeur ambulant,  qui lui avait vendu un coffret de ces fameux bouchons.  Il s’empressa d’en garnir ses pavillons et s’orienta vers l’extrémité du hall  d’où provenait cet incroyable tintinmare…

Un groupe entouré de quelques ouailles en trance s’exerçait là à produire ce son syncopé et assourdissant.

Les voyageurs ne lui avaient pas menti, s’enthousiasma le magicien, qui fort du pécule de pièces sonnantes et  trébuchantes confié par l’échevine, ne connut pas de difficultés majeures à embaucher ce groupe de jeunes, dès lors qu’une pause bières providentielle lui permit de leur adresser la parole.

Le retour fut pénible pour le pauvre magicien qui, malgré  les bouchons, ressentait péniblement dans son corps les pulsations de ce qu’il ne résolvait pas à appeler « musique ». Le contrôleur mit heureusement un holla à l’ardeur musicale. « Vous allez faire fuir tous les voyageurs avec vos airs de sauvages » leur grogna-t il.. et la conversation put s’engager.

Conformément à l’accord passé, à peine débarqués, tout juste le temps de prendre une savoureuse collation chez le magicien, et les jeunes musiciens, harnachés de toutes sortes d »instruments sonores, se mirent en route en direction de l’antre du géant : Une grotte à flanc de colline qu’il avait réquisitionnée pour son repos et ses sinistres  festins.

Le concert dépassa en ampleur tout ce que le magicien avait déjà entendu. Du fond de la cave où il avait rejoint sa fillette, il entendait encore ce qu’ il ne pouvait se résoudre à définir autrement que comme un épouvantable vacarme.
Le rugissement de terreur pure poussé par le géant s’entendit jusqu’ aux fins fonds de la contrée.

Où alla-t il se réfugier ?  Est-il encore vivant ? Nul ne le sait les rumeurs les plus folles circuleront à son sujet. Il serait devenu sourd, dans sa course aurait percuté un mur,  serait à présent végétarien et plus doux qu’un agneau…

Mais ça c’ est après !  Le présent c’ est la fête mémorable qui suivit la mise en déroute du géant dont le point d’orgue fut  le magicien et   sa troupe de jeunes portés en triomphe par les habitants de la contrée du milieu. 

Après le premier moment de stupéfaction passé devant l’accoutrement étrange des jeunes. Ils étaient affublés de tenues toutes  noires où prédominaient le cuir, leurs peaux étaient  entièrement  couvertes d’ étranges graffitis bleus, des  « tatouages » -comme on n’en avait pas vu depuis l’époque des indiens… -) ;   ils furent adoptés et  congratulés au point de décider de rester dans cette contrée si accueillante.
                                 …
C’est ainsi que Le heavy métal a conquis la contrée du milieu et avec lui les bouchons d’oreille, soupire le magicien finissant de nous conter cet épisode de sa vie tumultueuse.

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